Vibeogame : Test Control (Xbox One)

Trois ans après Quantum Break, le studio Remedy revient avec un nouveau shooter flirtant avec la S.F. expérimentale. A mi-chemin entre Max Payne, Lost et la 4ème dimension, Remedy a-t-il trouvé la formule gagnante ? Réponse ci-dessous

Note:4 out of 5 stars (4,0 / 5)
Graphisme:4 out of 5 stars (4,0 / 5)
Scénario:5 out of 5 stars (5,0 / 5)
Gameplay:3.5 out of 5 stars (3,5 / 5)

Scanners plus ultra

En 2016, Remedy Entertainement, studio à qui l’on devait déjà les très réussis Max Payne 1&2 et Alan Wake, sort Quantum Break, TPS (Third Person Shooter) dans lequel un jeune homme capable de maitriser le temps, tente de stopper une machination de grande envergure. Ambitieux, peut-être même trop pour son propre bien, Quantum Break se voulait le point de jonction parfait entre narrations vidéoludiques et télévisuelle, chaque acte du jeu étant complété par un épisode live sensée faire la jonction entre les différents chapitres et pensé en fonction des choix du joueur. Il en a résulté un jeu malade, pris entre les velléités artistiques d’un studio bien décidé à bousculer les conventions et la volonté de Microsoft de sortir une belle exclu prompte à tenir la dragée haute à Sony. Malheureusement à trop jouer la carte de la précipitation, Remedy et Microsoft se sont pris les pieds dans leur joli tapis numérique en sortant un jeu pétri de bonnes idées mais bourré de bugs, aussi raté visuellement que réussi dans ses mécaniques de jeu, annihilant partiellement toutes ses belles intentions. Trois ans plus tard, le studio revient avec Control, objet vidéoludique non identifié qui semble avoir appris des erreurs de Quantum Break pour le meilleur et… uniquement pour le meilleur ! L’ouverture de Control a de quoi déconcerter : aux portes d’un Bureau Fédéral, le joueur incarne une jeune femme qui doit prendre ses fonctions de directrice au sein de ce qui semble être une agence fédérale. Comment et pourquoi est-elle arrivée là ? Mystère. Ce n’est qu’au fur et à mesure que l’on apprendra qu’on incarne Jesse Fayden, jeune femme bien décidée à retrouver son frère disparu dix-sept ans plus tôt. Aidée par une force mystérieuse qui lui confère des pouvoirs télé kinésiques, elle va devoir explorer les méandres d’un immense bâtiment hanté par une entité diabolique : le Hiss. Radical… tel est le premier mot qui vient à l’esprit concernant Control tant le jeu se distingue des autres TPS en capitalisant sur une ambiance qui ne cessera de tarauder le joueur. Il faut dire que dans le genre, Control se rapproche plus d’un Alan Wake que d’un Max Payne tout en lui conférant une surcouche SF du plus bel effet. Ce qui s’annonçait de prime abord comme un « jeu-gadget » s’appuyant sur des mécaniques répétitives, se révèle en réalité être une vraie expérience vidéoludique, sensorielle, sensitive, un peu comme si le joueur était de nouveau plongé dans les cauchemars de Max Payne et ses couloirs à rallonge, l’aspect tournoyant et vomitif en moins. Car Control s’appréhende moins comme un cauchemar éveillé que comme un songe bigarré traversé de séquences oniriques et mystiques où le joueur n’a d’autre choix que d’être transporté.

 

Remedy Entertainment

 

Je rêvais d’un autre monde

Tout du long, Control ne cessera de cultiver le mystère, distillant des indices au compte-gouttes par l’entremise d’items à collecter comme autant de clés permettant une meilleure compréhension. Ce qui interpelle d’emblée dans Control c’est la richesse de son univers foisonnant de détails et puisant ses influences aussi bien dans le cinéma de David Lynch que dans celui de Christopher Nolan et ses architectures bigarrées renvoyant directement à l’expressionnisme allemand. Aussi bien en termes de narration que de mise en scène, Control est un sacré morceau. Avec son intrigue à base d’univers parallèles, sa voix-off omniprésente, ses séquences oniriques… le jeu n’est pas des plus aisé à appréhender pour peu qu’on soit habitué à des titres plus « classiques ». Sauf que c’est justement cette particularité, cette patte, qui le rend si atypique (tout en restant accessible sur un certain nombre de points) et mérite qu’on s’y attarde tant il peut se révéler gratifiant. Loin d’être un gimmick, la toile de fond SF permet la mise en place d’un univers cohérent parsemé de totems très « lynchiens », cultivant sciemment le mystère pour mieux perdre le joueur dans un dédale mental fascinant. Métaphysique, univers parallèle, science et drame familial s’entrechoquent au sein d’une intrigue passionnante qui se dévoile au fur et à mesure. Comme tout mystère, celui qui entoure Control n’a d’intérêt que si l’on ressent de l’empathie avec le personnage principal. Difficile de ne pas adhérer immédiatement au parcours de l’héroïne en quête de réponses et entretenant une relation touchante avec cette entité muette et invisible qui l’accompagne tout du long. Esthétiquement, le jeu est aussi un vrai choc, ne serait-ce que par sa direction artistique à couper le souffle convoquant une multitude d’influences esthétiques, architecturales, voire littéraires. Baladé d’une ambiance à l’autre dans un environnement tout en verticalité, le joueur pourra se facilement se perdre dans les dédales de cet univers labyrinthique et pourtant se perdre n’aura jamais été aussi plaisant tant chaque recoin peut cacher des surprises. Contrairement à Quantum Break qui jouait au yoyo avec la modélisation de ses personnages tantôt ratée tantôt réussie (mais le plus souvent ratée), Control peut se targuer d’être graphiquement somptueux. Tournant sur le moteur Northlight (pourtant le même que celui de Quantum Break), Control utilise au maximum la moindre de ses ressources. Si la reprise après un Game Over peut se révéler ardue et conférer de sacrés maux de têtes, le reste se révèle tout simplement somptueux : des nombreux décors aux visages des personnages d’une belle expressivité, c’est un véritable enchantement pour les yeux et aucune baisse notable de framerate n’est à signaler. Dépouillé des défauts de finalisation inhérents à beaucoup d’autres titres sortis beaucoup trop tôt, Control et son approche kaléidoscopique font merveille et offrent une expérience de jeu extrêmement agréable.

Remedy Entertainment

Control Break

Contrairement à Quantum Break qui s’appuyait surtout sur un gameplay diversifié et réussi auquel se greffait une trame trop empruntée à la narration télévisuelle, Remedy a préféré développer l’univers de Control AVANT de penser au gameplay. Une approche à double tranchant qui relève ici du pari gagnant… mais ce n’est pas le fruit du hasard. Si Control a des airs de « Quantum Break réussi » c’est normal. Pensé avant ce dernier, Control en reprend certaines mécaniques de jeu, les affine pour les intégrer à sa narration de manière plus harmonieuse. Également plus intuitif, il permet une prise en main aisée et rapide qui requerra toutefois d’adopter un certain nombre de réflexes. Contrairement à d’autres shooters, Control ne vous permettra que l’utilisation de votre arme de service, nécessitant par-là même de trouver l’équilibre parfait entre celui-ci et vos pouvoirs. Ça c’est la promesse de l’éditeur et pour une fois force est de constater qu’elle n’a rien de galvaudée. Comme énoncé précédemment, le jeu nécessitera d’adopter un certain nombre de réflexes, votre arme se rechargeant automatiquement à contrario de votre jauge de vie qui devra être rechargée en tuant des ennemis. Offrant un panel de possibilités qui ne cesseront de s’affiner en cours de jeu, Control s’appuie sur un gameplay intelligent qui nécessite d’être aussi stratège qu’efficace au regard des moyens donnés. Et pourtant si vous agissez intelligemment, ces moyens faussement limités pourront se révéler être une vraie source de surprises. Encore faudra-t-il être patient tant le jeu peut parfois se révéler répétitif dans ses mécaniques lors des premières heures de jeu. Car aussi dadaïste soit-il dans ses parti-pris, Control n’en oublie pas la dimension jeu pour autant.

Remedy Entertainment

 

Détonnant avec le tout-venant en matière de jeux d’action, Control est un titre aussi exigeant que beau, sorte de trip hypnotique aux multiples ramifications. Fascinant malgré quelques phases répétitives.